Amandine Rousguisto

Ce qui fait faille

par Sonia Recasens

English version below

Amandine Rousguisto cultive une fascination doublée d’une affection profonde pour les tissus, pour la diversité des textures, la subtilité des sons des étoffes qui appellent le toucher. Par exemple, en 2002, elle poursuit un travail de réédition de tissus d’après d’anciennes planches textiles de la fin du 19e et du début du 20e siècle. Dans le secret de son atelier – magnétique chambre à soi – l’artiste collecte une multitude de tissus puisés dans les fonds de greniers, dans les armoires familiales ou dans les brocantes, pour en explorer les potentialités plastiques. Du linge du nouveau-né au linceul mortuaire, le tissu, matière anonyme et populaire, accompagne chaque être dans les rites de passage de la vie.

« Le premier besoin de l’homme va vers le textile. Se vêtir, se protéger du froid est une des premières nécessités de l’homme, un besoin vital». 1

Patrimoine domestique, héritage matrilinéaire, les vêtements et les linges hantent les maisons, habillent nos souvenirs. Un fil des mémoires personnelles et collectives, intimes et universelles, que l’artiste œuvre à tisser pour créer du lien et résister à la dissolution, à la perte et l’oubli. Dans Moumoune (2010-2020), elle collecte et assemble précieusement les vêtements préférés de sa grand-mère disparue pour composer une couverture soigneusement pliée, qui s’offre comme une prière pour honorer les souvenirs, conjurer les peines, apaiser l’âme.

« J’ai cru trouver un fil, j’ai trouvé des mémoires ». 2

Singulier et fascinant, le langage plastique de l’artiste développe une grammaire personnelle d’une grande cohérence, malgré la variété des formes d’écriture déployées, allant du textile à l’installation en passant par la vidéo, la photographie, le dessin, la gravure et la sculpture. Avec l’impressionnante installation Vêtures (2009), Amandine Rousguisto signe un manifeste et affirme l’autonomie de la matière textile affranchie de corps. En sculptant dans l’espace d’exposition des silhouettes sombres et silencieuses qui évoquent puissamment des pénitentes, elle joue avec la matérialité des étoffes, la texture des tissus, les nuances des noirs. De manière radicale, elle fait montre de l’étendue de sa dextérité, comme si elle faisait le deuil de son activité de costumière pour s’assumer, doucement mais sûrement, comme artiste.

Une artiste autodidacte qui fait le choix d’une matière non académique, anti-historique qu’elle expérimente hors des sentiers battus. Dans une économie de moyens et en dehors de toute catégorisation esthétique, elle explore les potentialités plastiques de la matière textile dans son plus simple appareil. Se fiant à son intuition tactile d’une grande acuité, l’artiste sait écouter les particularités de chaque texture, les personnalités de chaque tissu (coton, viscose, tulle...) pour en exploiter les qualités. Devant, derrière, à travers, toutes les dimensions du textile sont travaillées. L’installation On in under above through (2019-2020) témoigne jusque dans son titre, de cette abolition du plan, de la frontalité et de la rigidité du mur pour envelopper, embrasser le spectateur, qui se retrouve immergé dans cette matière vivante et fluide, presque organique. L’œuvre offre une expérience insolite, sensorielle et sensuelle, qui impose le silence, le recueillement, et l’attention aux frémissements, aux vibrations.

A la fois solide et fragile, délicate et résistante, l’œuvre patiemment tissée par Amandine Rousguisto cultive les ambivalences, tout d’abord dans son processus créatif de l’ordre de la blessure et du soin, de l’usure et de la suture, de la déchirure et de la ligature. L’artiste apprivoise le tissu pour en tester les limites, pour en éprouver les résistances. Tour à tour malmené, poli, poncé, chéri, reprisé, le tissu porte les traces des cuissons à la lune ou au soleil, des patines à l’encre de chine ou à la chaux, des assemblages et des piqûres que l’artiste lui inflige. La vie cachée de la texture du tissu, de la combinaison des fils qui le composent, et qui habituellement défie la perception, est ici mise à nue. Sans pour autant le contrarier, l’artiste observe, écoute le tissu comme sur le point de se dissoudre, de se désagréger, pour en révéler les failles, pareil à une seconde peau, où s’impriment les mémoires, la psyché. Dans la série des Sinthome (2015), de petites pièces de tissu sont reprisées à l’aide de fils d’or pour former une grille sublimant les interstices d’où semble surgir la puissante fragilité humaine. Ce fil d’or rappelle la pratique ancestrale du Kintsugi. Cet art de la résilience originaire du Japon est un long et patient processus de réparation des objets, qui souligne les fêlures à la poudre d’or. Dans la série des Sinthome, les failles sont sublimées par l’entrecroisement de fils d’or dessinant une grille, qui dans la terminologie du tissage, est appelée armure. Cette forme originelle produite dès le néolithique, pour fabriquer des tissus, serait à l’origine de tout art selon l’architecte et critique d’art allemand Gottfried Semper (1803-1879).
Répétitive dans sa structuration, la grille constitue un des motifs emblématiques du 20e siècle exploré par Piet Mondrian, Franck Stella, ou encore Agnès Martin, qui l’investit plus particulièrement d’une charge méditative. Avec l’abstraction, la grille est pensée de manière intellectuelle, analytique, mathématique – soit masculine –, en opposition à une approche matérielle, sensible, textile, dénigrée parce que féminine. Pour autant, de nombreuses artistes contribuent largement au cours du 20e siècle à la revalorisation des arts textiles comme Annie Albers, Pierrette Bloch, ou Hessie, qui sondent la puissance plastique de la grille et de la trame. Une trame également présente dans la série des Point aveugle (2009-2010) où des bandes de scotch viennent scander une feuille de papier imbibée d’encre de chine. Dans la trame des bandes scotch, apparaissent des formes patiemment soulignées au feutre Posca, dans un geste lent, répétitif presque méditatif, qui suggère une écriture silencieuse, une musicalité. Par un singulier processus de superposition et de scansion de matières, de diffusion de la couleur, qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Bernadette Bour, l’artiste donne forme à d’énigmatiques cartographies mentales.

“ Le pouvoir mythique de la grille tient à ce qu’elle nous persuade que nous sommes sur le terrain du matérialisme (parfois de la science, de la logique) alors qu’il nous fait en même temps pénétrer de plein pied dans le domaine de la croyance.” 3

Un pouvoir mythique entretenue par Amandine Rousguisto qui tisse des œuvres d’une grande sensibilité, où se concentrent des énergies, des forces ; où s’incarnent un langage secret à l’aura talismanique. Dans le monde musulman, des manuscrits, mais aussi des tissus, sont, depuis des siècles, recouverts de grilles où s’incarnent la parole divine - des extraits du Coran – dotée de puissants pouvoirs de guérison. Bien avant Joseph Beuys ou Lygia Clark, Henri Matisse croyait déjà dans les vertus thérapeutiques de l’art. Aux confins de la ruine et du sublime, les Sinthome semblables à des reliques ou des ex voto, rayonnent comme d’humbles offrandes de ce qu’il y a de plus singulier, de plus authentique, pour se rétablir. En ce sens, l’armure d’Amandine Rousguisto s’impose comme la manifestation ontologique du textile. Une grille originelle, mémorielle qui dit aussi le désir d’un rapport plus direct, plus vrai à l’art, au monde et aux autres.

Empruntant son titre à la philosophie Lacanienne, Sinthome désigne la structure psychique, le nœud que chaque individu tisse avec les trois registres du langage (réel, symbolique et imaginaire). Et pour Amandine Rousguisto ces failles reprisées ont pour dessein de laisser advenir le mot, le sens, affirmant un rapport fondamental au langage.

Le génie déclamait et ses paroles colmataient tous les interstices de l’étoffe ; elles étaient tissées dans les fils et faisaient corps avec la bande. Elles étaient le tissu lui-même et le tissu était le verbe.4

Texte, textile, texture... entretiennent des liens étymologiques, métaphoriques et mythologiques, depuis l’Antiquité gréco-romaine. La composition des textes est alors comparée à la fabrication des tissus fondée sur l’entrecroisement d’un fil vertical, la chaîne, et d’un fil tendu horizontal, la trame. Les auteurs grecs considèrent le poème comme une tapisserie de mots tissés fil par fil selon un dessein et un dessin bien précis. Une connivence entretenue par Amandine Rousguisto qui témoigne d’une affection pour le langage notamment dans sa manière de composer les titres de ses œuvres en jouant avec les mots, leurs sens, leurs musicalités.
Un rythme, un souffle que l’on retrouve également dans l’utilisation que l’artiste fait de l’épingle. Outil millénaire et universel, de création et de guérison, l’épingle est dotée d’une puissante charge symbolique et spirituelle. Objet fin et pointu, a priori insignifiant et inoffensif, l’épingle abandonne le second rôle d’outil domestique et artisanal pour s’imposer dans l’œuvre d’Amandine Rousguisto comme matériau plastique dont les vibrations insufflent vie et mouvement au tissu comme dans la série des In Time ou dans L (2018). Pour l’artiste, l’épingle évoque l’idée d’une œuvre non figée, comme en suspens, saisi dans l’instant. Outil de remise en ordre matérielle et spirituelle pour dompter les puissances et les énergies, l’épingle pique, transperce, mais aussi relie, rassemble et répare.

« J’ai toujours eu une fascination pour le pouvoir magique de l’aiguille. L’aiguille sert à réparer les dommages. C’est une demande de pardon. » 5

De manière surprenante, Amandine Rousguisto exploite habilement le potentiel plastique de l’épingle, qui se fait tour à tour trait de crayon, point de couture, touche du peintre. Dans Sans titre (2009), les armures qui reprisent un tablier sont composées non pas de fils mais d’épingles. Pour Hélène Cixous, le tablier protégerait le ventre. La grille maternelle liée au textile, est pensée comme le lieu de naissance de l’œuvre, comme l’origine de l’art.6

Quand on observe les œuvres d’Amandine Rousguisto, on a souvent l’impression d’être en présence de pièces millénaires, ayant survécu à la ruine et la perte. C’est qu’Amandine Rousguisto tisse le fil du temps par un processus lent et patient impliquant un investissement ritualisé du corps. Les gestes millénaires et universels, sont minutieusement exécutés, répétés dans la solitude méditative de l’atelier. Le labeur domestique des femmes, des petites couturières est au cœur de son langage artistique qui met à l’honneur la puissance plastique, spirituelle et historique des épingles, des armures et des points de coutures, habituellement invisibles. Une humilité qui confère un indéniable pouvoir hypnotique aux œuvres de l’artiste, dont les tensions créent un lien puissant entre l’œuvre et le spectateur.

1 Hessie dans un Entretien avec Sonia Recasens le 6 décembre 2014 in Cosmogonies : Hessie, Kapwani Kiwanga, Myriam Mihindou, catalogue d’exposition, Paris, Galerie Arnaud Lefebvre, 2015, p.6
2 Pierrette Bloch, Mailles et mailles de crin : mémoires, Namur, Maison de la Culture, 1982
3 RosalindKrauss, « Grids », 1979, in October n°9
4 Marcel Griaule, Dieu d’eau – Entretien avec Ogotemmêli, 1948
5 Louise Bourgeois
6 Lucile Encrevé, Le textile derrière la grille : une abstraction impure ?, 2016, https://journals.openeditions.org/ perspective/6440

Filling the gaps

by Sonia Recasens

Amandine Rousguisto cultivates a fascination coupled with a deep affection for fabrics, for the diversity of textures, the subtlety of the sounds of cloth calling out to the touch. For example, in 2002, she continued her work of reissuing fabrics found in old textile plates from the late 19th and early 20th centuries. In the secrecy of her studio - a magnetic room all of her own - the artist collects a multitude of fabrics unearthed from attics, family wardrobes and flea markets, to explore their plastic potential. From baby layettes to funeral shrouds, fabric, an anonymous and popular material, accompanies every being through life’s rites of passage.

"The first human need is for textiles. Clothing and protection from the cold is one of the first human necessities, a vital need. "1

A domestic heritage, a matrilineal legacy, clothing and linens haunt our homes, and clothe our memories. A thread of personal and collective memories, intimate and universal, that the artist weaves into a bond to resist dissolution, loss and oblivion. In Moumoune (2010-2020), she painstakingly collects and assembles her late grandmother’s favorite clothes, composing them into a carefully folded blanket, offered like a prayer to honor memories, ward off sorrow, and soothe the soul.

"I thought I had found a thread, I found memories "2

Singular and fascinating, the artist’s plastic language develops a personal grammar of great coherence, despite the variety of writing forms used, ranging from textiles to installations, through video, photography, drawing, engraving and sculpture. With the impressive installation Vêtures (2009), Amandine Rousguisto signs a manifesto and affirms the autonomy of textile materials freed from the body. By sculpting in the exhibition space dark and silent silhouettes which powerfully evoke penitents, she plays with the materiality of the cloth, the texture of the fabrics, the nuances of the blacks. In a radical manner, she demonstrates the breadth of her dexterity, as if in mourning for her activity as a costume designer, in order to assert herself, slowly but surely, as an artist. A self-taught artist who chooses a non-academic, anti-historical subject that she experiences off the beaten track. In an economy of means and beyond any esthetic categorization, she explores the plastic potentialities of textile materials in their simplest form.
Relying on her highly acute tactile intuition, the artist knows how to listen to the particularities of each texture, the personalities of each fabric (cotton, viscose, tulle...) to adroitly exploit their qualities. In front, behind, through, every dimension of the fabric is worked upon. The installation On in under above through (2019-2020) testifies, even in its title, to this abolition of the plane, of the frontality and rigidity of the wall, in order to envelop, to embrace the viewer, who becomes immersed in this living, fluid, almost organic matter. The work offers an unusual sensory and sensual experience, which imposes silence, contemplation, and the heeding of tremors and vibrations.

Both solid and fragile, delicate and resistant, the work patiently woven by Amandine Rousguisto cultivates ambivalence, firstly by the creative process in the realm of injury and care, fraying and seaming, tearing and ligaturing. The artist tames the fabric to test its limits, to challenge its resistance. In turn mistreated, polished, sanded, cherished, darned, the fabric bears the traces of baking under the sun or the moon, of patinas of India ink or lime, of the assemblages and pinpricks inflicted upon it by the artist. The hidden life of the fabric’s texture, of the very combination of the threads composing it, habitually defying perception, is here laid bare. Imperturbably, the artist observes, listening to the fabric which seems on the verge of dissolving, of disintegrating, revealing its gaps, like a second skin , upon which memories, the psyche, are imprinted. In the Sinthome series (2015), small patches of cloth are darned with gold thread to form a grid with sublimated interstices, gaps from which seems to spring forth the powerful fragility of humankind. This golden thread brings to mind the ancestral practice of Kintsugi. This art of resilience originating in Japan is the long and patient process of repairing objects, by highlighting the cracks in powdered gold. In the Sinthome series, the cracks, the gaps, are sublimated by the intersecting of gold threads forming a grid, known in weaving terms as the weave. According to the German architect and art critic Gottfried Semper (1803-1879), this original form, produced as early as the Neolithic period to make fabrics, represents the origin of all art.

Repetitive in its structuring, the grid constitutes one of the emblematic motifs of the 20th century explored by Piet Mondrian, Franck Stella, as well as Agnès Martin, who invests it more particularly with a meditative charge. In abstract art, the grid is conceived of in an intellectual, analytical, mathematical, inherently masculine way, in opposition to a material, sensitive, textile approach, denigrated for being feminine. Nevertheless, many female artists contributed significantly during the 20th century to the revaluation of the textile arts, including Annie Albers, Pierrette Bloch, and Hessie, all of whom plumbed the plastic power of the grid and the weave. Such a weave is also present in the Blind Spot series (2009-2010), where strips of scotch tape punctuate a sheet of paper soaked in India ink. In the scotch tape weave, forms, patiently underlined with a Posca paint marker, appear in a slow, repetitive almost meditative gesture, evocative of a silent writing, a musicality. Through a singular process of superimposition and scanning of materials, of color diffusion, reminiscent of the work of Bernadette Bour, the artist gives shape to enigmatic mind maps.

"The mythical power of the grid lies in the fact that it persuades us that we are in the realm of materialism (sometimes science, logic) while at the same time allowing us to penetrate fully into the realm of belief. " 3

A mythical power sustained by Amandine Rousguisto, who weaves works of great sensitivity, concentrating energies and forces, embodying a secret language with a talismanic aura. In the Muslim world, not only manuscripts, but fabrics as well, have for centuries been covered with grids embodying the divine word - extracts of the Koran - endowed with powerful healing powers. Long before Joseph Beuys or Lygia Clark, Henri Matisse already believed in the therapeutic virtues of art. On the edges of ruination and the sublime, the Sinthomes, similar to relics or ex votos, shine like humble offerings of what is most singular, most authentic, in order to resuscitate. In this sense, the Amandine Rousguisto weave stands out as the ontological manifestation of textiles. An original, memorial grid that also expresses the desire for a more direct, truer relationship to art, to the world and to others. Borrowing its title from Lacanian philosophy, Sinthome designates the psychic structure, the knot that each individual weaves with the three registers of language (real, symbolic and imaginary). And for Amandine Rousguisto these mended gaps are designed to allow the word, to allow meaning, to come into being, affirming a fundamental relationship to language.

“The genie declaimed and his words filled all the interstices of the fabric; they were woven into the threads and became one with the band. They were the fabric itself and the fabric was the verb. “4

Text, textile, texture ... the very words have maintained etymological, metaphorical and mythological links since Greco-Roman Antiquity. The composition of texts is in this way compared to the manufacture of fabrics based on the interweaving of a vertical thread, the warp, and a taut horizontal thread, the weft. Greek authors consider the poem as a tapestry of words woven thread by thread according to a specific purpose and design. A connivance perpetuated by Amandine Rousguisto, testifying to an affection for language, particularly seen in her way of composing the titles of her works by playing with words, their meanings, their musicalities.

A rhythm, a breath that can also be found in the artist's use of the pin. An age-old and universal tool of creation and healing, the pin is endowed with a powerful symbolic and spiritual charge. A fine and pointed object, a priori insignificant and harmless, the pin abandons its second role as a domestic and artisanal tool to impose itself in Amandine Rousguisto's work as a plastic material whose vibrations breathe life and movement into the fabric, as in the series of In Time or in L (2018). For the artist, the pin evokes the idea of an unfrozen work, as if suspended, captured in the moment. A tool of material and spiritual reordering used to tame powers and energies, the pin pricks, pierces, but also connects, gathers and repairs.

"I've always been fascinated by the magical power of the needle. The needle is used to repair damage. It is a plea for forgiveness. 5

In a surprising manner, Amandine Rousguisto cleverly exploits the plastic potential of the pin, which becomes in turn a pencil stroke, a stitch, a painter's brush. In Untitled (2009), the weaves used to mend an apron are made not of threads but of pins. For Hélène Cixous, the apron serves to protect the womb. The maternal grid linked to cloth is conceived of as the birthplace of the work, as the origin of art.6
When observing the works of Amandine Rousguisto, one often has the impression of being in the presence of pieces that are thousands of years old, having survived ruin and loss.
For Amandine Rousguisto weaves the thread of time through a slow and patient process involving a ritualized investment of the body. The age-old and universal gestures are meticulously executed, and repeated in the meditative solitude of the studio. The domestic labor of women, of simple seamstresses, lies at the heart of her artistic language, which honors the usually invisible plastic, spiritual and historical power of pins, weaves and stitches. A humility that confers an undeniable hypnotic power to the works of the artist, whose tensions create a powerful link between the work and the viewer.

1 Hessie dans un Entretien avec Sonia Recasens le 6 décembre 2014 in Cosmogonies : Hessie, Kapwani Kiwanga, Myriam Mihindou, catalogue d’exposition, Paris, Galerie Arnaud Lefebvre, 2015, p.6
2 Pierrette Bloch, Mailles et mailles de crin : mémoires, Namur, Maison de la Culture, 1982
3 RosalindKrauss, « Grids », 1979, in October n°9
4 Marcel Griaule, Dieu d’eau – Entretien avec Ogotemmêli, 1948
5 Louise Bourgeois
6 Lucile Encrevé, Le textile derrière la grille : une abstraction impure ?, 2016, https://journals.openeditions.org/ perspective/6440